Il est temps de parler d’une réalité qui touche beaucoup de personnes autistes, que ce soit des enfants ou des adultes.
Loin de nous l’idée de vouloir faire des généralités. Mais, même en nous basant sur notre vécu, nous avons reçu beaucoup de témoignages de personnes ayant vécu sensiblement les mêmes problématiques.
Chirurgien haut perché
Mon fils Paul a dû subir une petite intervention. Rien de grave, et tout va mieux aujourd’hui.
Tout commence avec le rendez-vous avec le chirurgien. Lors du premier rendez-vous, je crois qu’il a à peine pris connaissance de la lettre l’informant de l’autisme de notre fils. Mais à ce moment-là, nous étions très loin de nous douter que ce n’était pas le pire. À l’issue de ce premier rendez-vous, nous avons le choix entre deux types d’interventions.
Après concertation avec mon mari, nous avons fait notre choix. Nous fixons donc un second rendez-vous pour élaborer la suite avec le chirurgien.
Lors de ce second rendez-vous, j’explique notre choix qui a été motivé par l’autisme de notre fils qui ne penserait pas ou ne pourrait pas faire ses soins post-opération.
Et là, l’aventure commence !
Le médecin demande à mon fils s’il peut l’examiner. Paul monte sur la table, bref tout ce qui est habituel. En même temps, j’explique que mon fils est hyper sensible au toucher et à la douleur.
Le médecin vient se rassoir sans dire quoi que ce soit à Paul qui du coup reste sur la table (j’avoue j’ai ri, car je me doutais qu’il ferait ça, je connais mon enfant).
Il commence à m’expliquer que vu les particularités de mon fils il valait mieux opter pour l’autre intervention. Car celle que nous avions choisie était plus douloureuse pour les jours qui suivaient l’intervention.
Donc à ce stade, vous et moi nous sommes d’accord que l’autisme de mon fils a donc bien une importance quant au choix de l’intervention. Alors quelqu’un peut-il m’expliquer :
POURQUOI ON NE DEMANDE PAS AUX PATIENTS S’ILS ONT DES TROUBLES NEURO-DEVELOPPEMENTAUX ? Ou tout simplement s’ils sont autistes ou autre.
Au bout d’un moment, je lance un grand sourire au chirurgien et en le regardant je dis à mon fils : « Paul, tu peux descendre de la table » et mon fils s’exécute, bien entendu.
Au moment de partir, le chirurgien nous dit : « Rassurez-vous, j’ai opéré un autre enfant autiste, mais vraiment autiste atteint plus lourdement et tout s’est bien passé. »
Aurais-je dû m’excuser de ne pas avoir fait un enfant assez autiste pour que ce soit visible ? Bref, j’en arrive à excuser les gens du manque de tact, de diplomatie, de connaissance… Mais un médecin ! Ce jour-là, nous préférons en rire pour une fois.
Le manque de connaissance abyssal sur l’autisme allait être de plus en plus flagrant.
En partant, nous repassons par le secrétariat pour finaliser les papiers. Je demande donc si, du fait que mon fils est autiste, il y avait une prise en charge particulière à avoir le jour de l’opération. La secrétaire me répond avec beaucoup d’empathie (merci madame) que je devais voir ça avec l’anesthésiste.
L’anesthésiste ou quand Dieu nous parle
Le rendez-vous anesthésiste fut une véritable farce. Mon mari a absolument tenu à y amener notre fils lui-même. Par habitude, je savais très bien comment cela allait se passer. Je l’avais un peu instruit sur les choses à soulever et les remarques qu’il risquait d’entendre.
Et bien évidemment, il y en a eu.
Tout d’abord, madame l’anesthésiste semblait très pressée. Au prix que l’on paye pour 10 minutes de consultation, le ratio patient/argent est plutôt sympa.
Au moment d’expédier et de terminer le rendez-vous, mon mari lui fait remarquer qu’il a des choses à dire et notamment que notre fils est autiste. Réponse de l’anesthésiste qui regarde notre fils : « Oui, mais là ça va ! »
Je crois honnêtement que l’anesthésiste a une bonne étoile au-dessus de sa tête et que ce jour-là elle a eu une chance immense que ce soit mon mari en face d’elle.
Paul a pu poser quelques questions et se rassurer un peu. Le prix de la réflexion dans la face et de 15 minutes de rendez-vous ? 75 €
Le dossier à remplir
Suite à ce rendez-vous, nous avons eu des documents à remplir.
— Est-ce que vous fumez ? Non mon fils de 11 ans ne fume pas.
— Est-ce que vous êtes cardiaque ? Non
— Prenez-vous des drogues ? Euh… non
Mais à AUCUN moment, on ne m’a demandé si mon fils avait des troubles du comportement ou des troubles neurodéveloppementaux, qui certes n’auraient peut-être pas changé grand-chose dans les médicaments qu’on allait lui donner, mais qui au niveau de sa prise en charge aurait pu TOUT changer.
Au moment de faire l’inscription dans la clinique idem ! aucun moyen de préciser ou demander quoi que ce soit. Je me dis alors que je règlerai ça le jour J.
Ce qui me pose des soucis : on nous dit que la veille nous recevrons un SMS pour nous dire à quelle heure nous devons nous rendre à la clinique le lendemain. Comment rassurer mieux que ça, un enfant autiste ? C’est bien connu les imprévus bla bla bla… Mais comme ce sont des professionnels du milieu médical on se dit qu’ils doivent mieux savoir que nous parents comment se comporter et quoi faire lorsqu’il y a une situation médicale un peu particulière.
Le jour J, le jour où tout bascule
Nous avons bien reçu le SMS la veille. Et à notre grande surprise, Paul devait être présent à 12 h 30. Sans manger évidemment. Et là, ce fut le début de la fin. Plus le temps passait et plus Paul devenait stressé. Nous sentions que la crise pouvait exploser d’un moment à l’autre. Les parents d’enfants autistes savent de quoi je parle ;).
Au moment de partir, il ne voulait plus y aller. Il voulait manger… J’ai usé de toute ma patience et de ma fermeté pour le mettre dans la voiture.
En plus de changer ses habitudes et de cumuler les nouveautés, le fait d’avoir faim le déstabilisait beaucoup. Lorsqu’il a faim, cela le fait souffrir et il ne gère pas la sensation. Je suis super fière quand même, car il a tenu le coup.
Il avait des questions et malheureusement je ne pouvais pas y répondre, ce qui n’arrangea rien.
Arrivé au bureau des admissions, je donne tous les documents et je demande pourquoi mon fils handicapé passe si tard. J’explique que peut-être un peu bêtement je pensais qu’on faisait passer les plus jeunes et les enfants handicapés en premier. La dame me confirme que normalement c’est bien le cas. Mais bien évidemment elle n’avait pas connaissance du handicap de mon fils sinon elle en aurait tenu compte. Mais à aucun moment, je n’ai pu le lui dire puisque ce n’était demandé nulle part et aucun médecin ne lui a transmis cette info.
Au secrétariat du service, des infirmières adorables. Elles étaient au courant de la particularité de Paul. Elles ont fait tout leur possible pour répondre à mes demandes, mais en n’ayant aucune connaissance sur l’autisme. Nous nous sommes donc retrouvés dans une chambre avec un autre enfant. Une fois sur place, on nous dit que Paul partira au bloc à 13 h 30. À 13 h 35 toujours personne, puis 13 h 40… et là, mon fils qui se contenait tant bien que mal commence à vraiment perdre patience. Avant qu’une crise n’éclate, je cours voir l’infirmière en lui disant qu’on ne donne pas d’horaire à un autiste si l’on ne la respecte pas.
Paul comptait les minutes comme s’il constatait lamentablement le fait qu’on l’avait trahi. Il n’avait plus confiance…
Petite parenthèse, nous constatons quand même que bien trop souvent, et ceci tout corps de métier confondu dans le milieu médical, les praticiens prennent les patients et donc les patients autistes en retard. Ce qui évidemment est très problématique. Combien de fois ai-je utilisé toutes les stratégies possibles pour éviter une crise en salle d’attente ou pour éviter que Paul ne quitte la salle d’attente pour rentrer à la maison ?
Puis on est venu nous chercher. Je suis descendu avec lui pour l’accompagner. J’ai essayé de le faire rire, de le détendre, de lui dire que vraiment tout se passerait bien et que j’étais là.
Une infirmière toujours adorable est venue le chercher et après avoir discuté quelques minutes elle est partie avec lui au bloc.
Paul m’a raconté plus tard que lorsque l’anesthésiste est arrivé, il a vu que ce n’était pas le même qu’il avait vu en rendez-vous. Puis ni une ni deux au moment de lui injecter le produit, Paul a fondu en larmes complètement paniquées. Retard + imprévu + trop de monde + environnement + nouveauté + faim + pas le même médecin et il n’était pas au courant+ TOUT +... = CRISE
Ce n’est pas le truc le compliqué du monde à comprendre. Même sans avoir fait polytechnique, on comprend vite.
L’intervention s’est très bien passée. Paul s’est réveillé super bien, il est remonté rapidement et il s’est souvenu que l’infirmière lui avait promis de la glace à volonté. J’ai dû lui rappeler sa promesse, car lui il n’avait pas oublié du tout.
La postopération se passe bien après quelques ajustements. Par exemple pour ses soins je lui ai mis plusieurs alarmes sur son téléphone et je suis constamment derrière lui. Je m’y attendais, donc pas de surprise. Anticipation pourrait être mon second prénom finalement.
***Suite à une story Instagram que j’ai réalisée suite à cette aventure, la clinique en question m’a contacté pour me présenter ses excuses et s’assurer qu’à l’avenir les enfants et adultes autistes seraient mieux pris en charge dans leur établissement. Ou du moins qu’ils feraient de leur mieux. Une petite victoire et je les en remercie.